05 avril 2018 - Inde, Témoignages, Trekking

Entre juin et octobre, c’est la saison du Ladakh et du Zanskar dans l’Himalaya indien avec ses fêtes monastiques à vivre pendant la Grande Traversée du Zanskar ou plus accessible, autour de balades et de fêtes au Ladakh. Défricheur d’itinéraires rares himalayens, notre ami et accompagnateur Pierre Martin nous a concocté trois treks d’envergure qu’il va accompagner dont le trek du Ladakh à la Nubra par les hauts cols et l’ascension du Dawa peak à 6 000 mètres et l’exploration de la traversée de l'Indus à Manali. Dans cet entretien, il nous livre ses envies, ses choix et ses anecdotes. Et il nous donne très envie de partir avec lui.

 

 

 

Bonjour Pierre, tu retournes au Ladakh cet été. Cela faisait un bout de temps que tu n'y étais pas allé. Que s'est-il donc passé ?

C'est vrai ! Après cinq années consécutives à explorer de long en large les espaces sauvages de cette partie de l'Himalaya indien (entre 2010 et 2014), il s'en est suivi trois années de « disette ». Dès 2015, j'avais dans mes cartons le projet de poursuivre cette exploration mais je n'ai pas pu convaincre ne serait-ce qu'une personne de m'accompagner... Le Ladakh, et plus généralement l'Himalaya indien, semble de plus en plus déserté par les trekkeurs au long cours, même s'ils sont avides d'espaces peu fréquentés. Certes, mes propositions d'itinéraires s'inscrivent la plupart du temps sur de longues périodes (entre 3 et 5 semaines), qui plus est en milieu isolé... Le séjour type du trekkeur « moderne » ressemble plutôt à un mixte de culture et de trekking tenant pile poil dans un créneau de 2 voire 3 semaines avec visites de monastères, une dizaine de jours de marche et ça s'arrête là. On va sur la Markha, on fait l'ascension du Stok Kangri, le 6 000 du coin, on s'engage sur une demi G.T.Z (Grande Traversée du Zanskar entre Lamayuru et Padum) ou on randonne en famille de village en village dans le Sham (le « baby trek »).

 

 

Dis-nous-en un peu plus sur le programme de ton été indien...

J'ai proposé à David Ducoin, responsable Himalaya-Amérique à Tamera, de mettre au catalogue le voyage d'exploration de l'Indus à Manali dont j'ai composé l'itinéraire, me basant sur mes propres relevés de terrain de l'été 2014 et sur ceux de Laurent Boiveau, un accompagnateur de montagne, insatiable créateur d'itinéraires « hors des sentiers battus ». Ces repérages couvrent la moitié du périple. Il va sans dire que la partie terminale sera une totale découverte, ce qui donne du sel à l'aventure... Parallèlement, comme je me trouvais engagé sur place, David m'a proposé d'encadrer deux autres groupes, le premier entre Indus et Nubra avec l'ascension optionnelle d'un sommet à 6 000 m, le Dawa peak, en préalable à l'itinéraire vers Manali, puis en fin de séjour, il m'a confié le grand trek des sources du Gange via le Kalindi Khal, un col à 5 957 m. Ce dernier me permettra de mettre le pied dans une partie de l'Himalaya indien que je ne connais pas encore, le Gharwal. Je ne devrais pas être déboussolé sur place car la langue népalaise est encore pas mal parlée par ici (le Gharwal tout comme le Kumaon voisin faisaient partie du Grand Népal au XVIIIe siècle). Je serai donc en Inde du nord du 28 juillet au 13 octobre.

 

 

Ce trek d'exploration qui va relier la vallée de l'Indus à Manali, en quoi est-il aussi particulier ?

Les treks que je compose ont tous une histoire. Ici, ce sont deux rencontres plus un peu d'imagination qui m'ont conduit à tracer cet itinéraire comme une alternative à la Grande Traversée du Zanskar, mais bien plus à l'est (on commence au Changthang, puis on traverse le Rupshu pour rejoindre le lac Tsomoriri avant de basculer dans le Spiti et finir à Manali). D'abord, je reviens sur les lieux où je me suis « cassé le nez » en 2014, au pied du Langpo La, alors que je voulais relier Sarchu à Korzok à travers la montagne en passant par les sources de la Tsarap Chu. Le sentier était partiellement détruit et nécessitait quelques travaux de consolidation pour que les mules puissent s'y engager en toute sécurité. De plus, le temps était très limité et j'ai préféré rebrousser chemin. De retour en France, en cherchant sur Internet, je suis tombé sur le site de Laurent sur lequel on pouvait visionner une vidéo très particulière de travaux de BTP sur les pentes ouest du col. Après l'avoir contacté, il m'a expliqué la raison de ces travaux à 5 000 m. Une partie du sentier est à refaire après chaque hiver. Nous partirons donc avec pelles et pioches... La deuxième rencontre était tellement improbable que je pense avoir eu un « coup de bol » énorme lorsqu'au milieu de la descente de la Tsarap Chu, alors que le groupe revenait au point de départ de Sarchu, dans un lieu où il ne doit passer qu'une dizaine de personnes par an, ladakis compris..., j'ai eu l'opportunité de croiser un binôme guide indien âgé - client anglais très âgé qui s'engageait dans la traversée de la Great Himalayan Range en franchissant un col sans nom. Le guide indien y était allé dans sa jeunesse et il voulait le faire découvrir à son ami anglais. Il me décrit le col comme un grand plateau où les lagopèdes viennent nidifier en été...

 

 

Je suppose qu'il n'en fallait pas beaucoup plus pour que tu te lances dans l'aventure...

Eh oui, on est vraiment dans ce que j'apprécie au plus haut point : la création d'un itinéraire « hors des sentiers battus ». Restait à trouver, une fois le col « aux gallinacés » franchi, une fin élégante à ce périple que j'imagine d'exception aux paysages contrastés et avec une petite dose d'adrénaline puisque la réussite de ce trek ne dépendra que de nous... J'ai opté pour la descente de la Chandra valley au sein de laquelle se trouve un lac entouré de myriades de fleurs alpestres. Et si tout se passe bien (pourquoi en serait-il autrement?), nous finirons trois ou quatre jours plus tard à Manali, la ville de la fumette (NDLR : l'abus de fumette est dangereuse pour la santé).

 

 

Pourquoi Tamera ?

Éric Bonnem, comme le reste de l'équipe de Tamera, est coutumier des voyages d'exception (il en réalise lui-même). Guidé par la passion du voyage d'aventure, il sait que cette catégorie de voyages intéresse chaque année quelques aficionados. La taille réduite des groupes est bien adaptée à ce type de trek au long cours où chacun doit mettre un peu de lui-même au service de tous pour que ce soit une réussite. Lui et David m'ont fait confiance à l'automne 2016 lorsque je leur ai proposé le Grand tour du Mustang, une réussite qui a été intégrée durablement au catalogue, et en 2017 le groupe était complet... En 2017, je conduisais pour Tamera un groupe dans l'est du Népal entre le col du Lumbasumba et le camp de base du Makalu, assurément la portion trekking la plus délicate de la Grande traversée de l'Himalaya népalais. Et encore une fois nous sommes revenus (je rigole...).

 

 

Quelque chose à ajouter ?

Pour les trekkeurs avides de wilderness, s'engager sur l'un de ces trois treks au caractère trempé (et pourquoi pas sur les trois !) c'est l'occasion unique de se fondre dans des paysages grandioses, jamais lassants parce que l'on évolue sans cesse dans de nouveaux espaces au fur et à mesure de l'avancée de la caravane, c'est aussi l'opportunité d'aller à la rencontre des peuples nomades qui occupent ces espaces (profitons-en, leur nombre diminue d'année en année...). Et c'est aussi la possibilité de compléter ou d'acquérir les notions d'évolution en milieu « hostile » : par le biais de la lecture de paysage et l'utilisation des cartes, nous débusquerons les meilleurs passages, nous devrons quelquefois traverser des rivières présentant un fort débit, nous remonterons des canyons détritiques sans être à l'abri de devoir contourner un écueil voire rebrousser chemin dans une portion trop chaotique qui engagerait la sécurité (n'oublions pas que l'intendance sera acheminée par des mules...). Bref, c'est l'opportunité de construire au jour le jour un itinéraire d'exception au travers de cet Himalaya indien. Ah, je ne vous avais pas dit que la liaison de l'Indus à Manali était une première ? Bon, c'est fait alors...

Les voyages de l'été accompagnés par Pierre Martin :

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