13 juillet 2017 - Népal, Trekking, Peuples et fêtes

MÉMOIRES DU CHEMIN | Régulièrement, nous publions quelques courtes histoires ou anecdotes vécues par nos participants ou des voyageurs illustres. Nous rentrons dans l’esprit d’une rencontre ou d’un lieu. Dans ces mémoires du chemin, David Ducoin nous raconte cette traversée inédite qui permet de rejoindre deux des plus grands sommets de la planète et d'explorer deux parcs nationaux en empruntant un col qui n'existe sur les cartes que depuis 2012.

 

 

Pour information, nous partons cet automne pour le trek de 39 jours du Lumbasumba au camp de base du Makalu accompagné par Pierre Martin : du 31 octobre au 8 décembre. Départ assuré.

 

 

La route du Kangchenjunga

Je retrouve avec un immense plaisir les villages Rai et Limbu que j'avais découverts l’automne dernier lors d'un trekking au camp de base du Kangchenjunga. Les champs de cardamone, les maisons à colombage, les ruches creusées dans des rondins de bois, les femmes parées de leurs plus beaux atours en or massif, les sourires accueillants... caractérisent une population aux pratiques animistes encore très présentes. Les daphnés sont en fleurs, leur écorce servira à la fabrication du papier traditionnel népalais. Les plants de cardamone eux aussi arborent de jolis bouquets jaunes étonnamment situés à la base de la tige et des feuilles.

A Lelep nous entrons dans le parc national du Kangchenjunga, résidence de l’extraordinaire et rarissime panda roux et de son tout aussi rarissime prédateur, l'invisible léopard des neiges. Nous quittons l'itinéraire traditionnel du Kangch qui s'avance au nord-est dans la vallée de la Ghunsa Khola, pour suivre les gorges de la Tamor qui se resserrent un peu plus chaque jour. Nous avançons maintenant en terra incognita.

Gowatar 1 800 m : enfin un peu de fraîcheur! Les champs de millet et les drapeaux à prières de ce village sherpa nous accueillent. Tundup Tsering, 70 ans, nous souhaite la bienvenue dans sa demeure de pierre et de bambou, transformée pour l'occasion en tente mess. Sa fille nous prépare la Tumba du soir. Cette bière de millet fermenté agrémentée d'eau chaude et dégustée à la paille nous réconfortera quelques jours de suite. Les variantes avec du maïs ou de l'orge ne sont pas toujours de bon goût !

 

      

 

 

Olangchungola : le village tibétain

Entouré de Rhododendrons en fleurs, le village d'Olangchungola s'éveille. Lama Kushuk Phela m'invite au monastère perché en haut du village. On le dit le deuxième plus vieux monastère du Népal. Il aurait été fondé il y 450 ans par Yeusa Dorje, venu du Tibet. Lorsque nous y pénétrons, nous découvrons une atmosphère à la fois lugubre et reposante. Dans une des pièces, d'énormes moulins à prière, cerclés de vieux cuir coloré défient le temps et les rotations quotidiennes. Le Lhakang** arbore des masques en papier mâché qui serviront une fois l'an pendant le Cham, les danses rituelles. La chaleur d'une lampe à beurre actionne un petit moulin à prière « thermique». La bibliothèque poussiéreuse abrite les 108 volumes du Kangyur ainsi que les 225 volumes du Tangyur. Ces textes du canon bouddhiste furent certainement imprimés au Tibet dans un atelier de xylogravure de Xigatsé ou Gytantsé finalement plus proches que Kathmandou. Olangchungola, le village des Pandas Roux en tibétain, fut beaucoup plus grand et plus peuplé il y  une cinquantaine d'années, mais suite à un orage de mousson, un glissement de terrain en emporta la moitié. Le reste du village, accroché à la colline, menace lui aussi de disparaître et les rues pavées du hameau se désertent un peu plus chaque année.  Aujourd'hui une caravane de yacks  se prépare à effectuer le dernier voyage au Tibet de la saison. Bois, millet et maïs seront échangés contre orge, laine brute et sel. Ici la laine sera cardée, filée, teinte puis tissée sur des métiers verticaux. Les tapis traditionnels seront ensuite revendus ou troqués à Kathmandou ou à la frontière tibétaine.

 

 

 

Lumbasumba pass

Nos pas ralentissent, notre souffle devient haletant, nous évoluons dans la neige, impossible donc de trouver une trace qui de toute façon, n'existe pas. Le chemin qui monte vers le fameux Lumbasumba pass est totalement imprévisible. A Kathmandou, les guides qui connaissent le trajet se comptent sur les doigts d'une main. Nous avons donc engagé un guide local à Olangchungola. Sans lui, nous  serions déjà perdus en convient notre « guide-accompagnateur » qui d’ordinaire enchaîne  les camps de base de l’Everest aux lodges confortables. Hors des sentiers battus, nous le sommes donc ! Voici trois ans seulement que le col du Lumbasumba figure sur les itinéraires de randonnée. Ce col emprunté depuis des siècles par les locaux permet de se rendre du « classique et magnifique » camp de base du Kangchenjunga au plus sauvage camp de base du Makalu en passant par la charmante vallée d'Arun. Vaste programme rendu possible grâce à un voyage de reconnaissance de la TANN en 2012 (Trekking Agencies Association of Nepal) et à une gracieuse invitation de GHT (The Great Himalayan Trail). À ce sujet, découvrez également notre grande traversée du Népal (GHT) ! Une brume épaisse laisse distinguer des rhododendrons blancs en fleurs. Nous évoluons dans un décor fantasmagorique. Tel un navire fantôme, le hameau de Tudham apparaît, loin de tout, sauf du Tibet qui n'est qu'à quelques heures de marche. Ici, les habitants vivent de l'élevage de yacks et du troc de bois avec leurs frères tibétains.

 

 

 

Chyamtang et la vallée d’Arun

Improbable vallée d'Arun...cette vallée du bout du monde nous offre en quelques jours une vision d'un Népal authentique aux saveurs et aux senteurs exotiques. Sous la pluie, un chemin difficile, aérien, glissant et au «contact» des sangsues, nous mène à Chyamtang,  premier village du haut de la vallée d'Arun. Les toits de bambou, les cultures de riz et de millet se mélangent aux chorten de pierre et aux drapeaux à prière. Je ne résiste pas à l'envie de suivre un groupe d'hommes qui m'invite à la chasse au miel ! Echelle de bambou, cordes tressées, gaules et récipients sur le dos... nous «ouvrons» le chemin à la machette. Grand moment que d'observer un énorme essaim d'abeilles géantes, palpitant et respirant de ses millions de membres. La fumée acre et dense me laisse entrevoir le «héro» du jour faire d'étranges acrobaties sur une échelle mouvante en surplomb de la muraille de roche. Un bal étonnant de cordages et de perches, orchestré par des complices aveugles en haut de la falaise, se déroule sous mes yeux. A peine une heure plus tard, le goût du miel sauvage explose mes papilles en fleurs!  La vallée est connue pour ses 650 espèces d'oiseaux et ses 800 espèces de papillons. Le biotope est riche, les orchidées se portent bien, les abeilles ont le choix. Un chemin escarpé et aérien nous mène aux villages multiethniques du sud. Nous y retrouvons  les maisons à colombage Rai et Limbu, qui se mélangent aux drapeaux à prières Sherpa et Gurung. Nous arrivons à l'embranchement de la fameuse Shipton trail qui mène au camp de base du Makalu. Les plus audacieux emprunteront le Sherpani col, à 6 100 m, pour rejoindre Lukla. Pour nous c’est l’aboutissement d'une belle aventure comme il en existe encore : 15 jours de marche et près de 11 000 mètres de dénivelé positif et négatif me fait observer Hans....quelques milliers de clichés pour moi et.... surtout... un nombre de sourires ridés et de rides souriantes, incalculé... incalculable.

 

      

 

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