29 mars 2021 - Culture

Certes, il est une affaire universelle, mais aussi l'expérience des gens au singulier.
Certes, il est une affaire culturelle, mais aussi l'œuvre de la complicité.
Certes, il est une affaire d'histoire, mais aussi l'aventure d'un instant.
Il remue le corps et jaillit d'un mot d'esprit. Illuminant le visage, ce haut-lieu de la spiritualité incarnée, brasillant dans les yeux, ces portes sensibles de l'âme. Certaines le disent l'un des « propres de l'homme » – mais... que savons-nous des bonobos qui nous ressemblent ou des rats qui cherchent les chatouilles ?! Le rire, l'humour... Une éclaboussure, une digression, de la dynamite et de la connivence, un étrange partage : bris des fers de l'existence, sortie des habitudes et des convenances, surprise fusante dans la grisaille ou la peur, secousse qui interroge nos identités et frontières, divagation qui ouvre le regard... Il rassure, il dérange, il assimile, il libère, il soulage, mais aussi peut faire mal. C'est tout un bazar, « le rire ». Ce petit billet n'a d'autre ambition qu'une très modeste excursion dans l'univers complexe de l'humour dans le temps, chez d'autres peuples, dans la pensée.

Au Cambodge, à la maison commune traditionnelle ©Marc Dozier
Au Cambodge, à la maison commune traditionnelle © Marc Dozier

"Dieu ayant ri naquirent les sept dieux qui gouvernent le monde ... Lorsqu'il eut éclaté de rire, la lumière parut ... Il éclata de rire pour la seconde fois, tout était eaux ... Au troisième éclat de rire apparut Hermès ... Au cinquième le Destin ... au septième l'âme." - Papyrus alchimique du IIIème siècle. Ainsi surgit la création, dans les éclats du rire divin ... 

 

Rire ? Mais pourquoi ?!


Quelques unes des répliques les plus cultes de Pierre Desproges

"Quand il rit, tandis que le vin gargouille dans sa gorge, le vilain se sent le maître, car il a renversé les rapports de domination ... Le rire est la faiblesse, la corruption, la fadeur de notre chair. C'est l'amusette pour le paysan, la licence pour l'ivrogne ... Vous savez bien que le Christ ne riait pas ..." Ainsi s'exprime l'agélaste Jorge dans Le Nom de la rose, alors que l'heureux et libre franciscain Guillaume ne cesse, à l'inverse, de défendre le rire - " Le devoir de qui aime les hommes est peut-être de faire rire de la vérité, faire rire la vérité, car l'unique vérité est d'apprendre à nous libérer de la passion insensée pour la vérité". Dans ce roman d'Umberto Eco, c'est un ouvrage sur le rire (Livre II de La Poétique d'Aristote!) qui est l'enjeu d'un conflit conduisant au meurtre et à la destruction du monastère bénédictin où se déroule l'action, en 1327. De quoi se demander pourquoi cette secousse du corps mérite une telle attention ... Les mondes humains ont en partage le rire mais il est des hommes qui le méprisent et le rejettent. Paradoxalement, ces derniers en ont bien compris un sens: rire, c'est faire un pas de côté, défaire les suffisances et secouer les suprématies en délogeant "les maîtres", les politiques, les saints et jusqu'en la personne de la grande maîtresse de nos existences - La Grande Faucheuse, la mort. 

En Algérie, par exemple, une des formes de l'humour traditionnel du pays (tmeskhir) consiste à dédramatiser lorsque, de fait, la situation, peut broyer et faire pleurer; les vicissitudes de la politique sont pour ce faire un terrain de choix pour les blagues dites khayât. Très populaires, elles tournent en dérision les personnalités politiques en les projetant dans des situations imaginaires ou réelles burlesques et ainsi, contribuent à façonner des attitudes politiques communes permettant aux populations d'exprime, voire de comprendre leur malaise, en sauvant de la violence. Lorsqu'en 2019, le président Bouteflika aspire à un 5ème mandat, en précisant qu'il n'irait pas au bout de son mandat s'il était élu, il était titré en Une, le lendemain: « Bouteflika s’engage à mourir en cas de victoire », provoquant hilarité dans un contexte général tendu; ou encore "il n'y a que Chanel pour faire le numéro 5". Pour les étrangers soupçonnés d'exploiter injustement les ressources du pays au bénéfice d'une minorité, la  khayât circulait:  « Chers Etats-Unis, il n’y a plus de pétrole ici, donc tenez-vous à distance à moins que vous ne recherchiez de l’huile d’olive ».

Côté Russie, sévit aussi la satire des dérives ou des prétentions d'un pouvoir qui se veut sans limites: " En 1969, Brejnev s'adresse aux cosmonautes: - Les Américains ont marché sur la lune? Qu'importe! Nous, nous irons sur le soleil! - Mais, camarade... on va brûler! - Vous nous prenez pour des imbéciles? Le Politburo a tout prévu: on vous enverra la nuit.". Elle vire souvent à une forme d'auto-dérision qui permet la sauvegarde: " Un Russe se promène dans Moscou. Au détour d'une rue, il aperçoit de nombreuses personnes en train de faire la queue. Sans plus réfléchir, il se colle derrière et attend... Une heure plus tard, alors que la queue n'a toujours pas avancé du moindre millimètre, il questionne la dame devant lui: - Excusez-moi, madame, mais pour quoi faisons-nous la queue ici? - Ah, ça! Je ne sais pas moi. J'ai juste aperçu des gens qui faisaient la queue, alors je me suis mise derrière. Demandez donc à la personne qui est devant moi! - Je ne sais pas. J'ai juste aperçu des gens qui faisaient la queue, alors j'y suis allée... Et ainsi, de proche en proche, on remonte jusqu'à la deuxième personne de la queue qui demande à la première pourquoi elle fait la queue. - Ah, mais moi, je me promenais dans la rue, et je me suis arrêté pour refaire mon lacet. Lorsque je me suis relevé, il y avait un monsieur qui attendait derrière moi. Je me suis dit: "C'est le coup de chance! Pour une fois que je suis le premier à faire la queue, je reste !" Et mignonne: " De quelle nationalité étaient Adam et Eve ? Soviétiques, parce qu'ils vivaient nus, n'avaient qu'une pomme à se partager, et qu'ils croyaient au paradis.

Contrairement aux préjugés, même les terres d'Islam ne sont pas hostiles au rire persiflant la religion et aux histoires brocardant les préposés à sa préservation: docteurs, juristes, religieux. Ainsi, "quelqu'un raconte: "j'ai vu un muezzin appeler à la prière puis courir: "où vas-tu?" lui dis-je. Il me répondit: "j'aimerais savoir jusqu'où porte ma voix!" Exigences contraignantes de l'une et vanité, cupidité ou sottise des autres sont ainsi mieux supportées. La transgression par l'humour porte remède aux frustrations et délivre des autorités aux penchants abusifs.

Quant à l'inévitable Intruse, notre ultime visiteuse, l'homme, malgré son angoisse confinant à la terreur, a toujours su la défier avec de l'humour, tenant haut, malgré Elle, son ultime liberté; de Danton disant au bourreau: « Montrez ma tête au peuple, elle en vaut la peine. » à Woody Allen: " Marx est mort, Freud est mort, Dieu est mort. et moi-même, cela ne va pas très fort..." Dans les campagnes sardes, rires et cérémonies funéraires s'enchevêtrent par tradition et souvent une femme spécialisée dans les pitreries (la buffona) provoquent le rire de l'assistance avec des paroles et des comportements obscènes - histoire d'alléger la douleur, d'affirmer la puissance du lien social et de la vie par delà la griffure de la mort emportant sa victime. 

"(...) Plutôt qu'd'avoir des obsèqu's manquant de fioritur's
J'aim'rais mieux, tout compte fait, m'passer de sépultur'
J'aim'rais mieux mourir dans l'eau, dans le feu, n'importe où
Et même, à la grand' rigueur, ne pas mourir du tout
O, que renaisse le temps des morts bouffis d'orgueil
L'époque des m'as-tu-vu-dans-mon-joli-cercueil
Où, quitte à tout dépenser jusqu'au dernier écu
Les gens avaient à cœur d'mourir plus haut qu'leur cul
Les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul" Les funérailles d'antan, Georges Brassens

L'humour est subversion clairvoyante, le rire est désaliénation fusante et volante, en même temps qu'ils nous permettent de reprendre pied dans les plus fâcheuses, tristes ou accablantes situations. Et quand les problèmes collent, il vaut mieux parfois laisser jaillir le rire.

tintin

"On raconte de Thalès que tout occupé d'astronomie et regardant les astres en haut, il tomba dans un puits, et qu'une servante de Thrace, d'un esprit agréable et facétieux, se moqua de lui, disant qu'il voulait savoir ce qui se passait au ciel, et qu'il ne voyait pas ce qui était devant lui et à ses pieds. Ce bon mot peut s'appliquer à tous ceux qui font profession de philosophie. En effet, non seulement un philosophe ne sait pas ce que fait son voisin, il ignore presque si c'est un homme ou un autre animal: mais ce que c'est que l'homme, et quel caractère le distingue des autres êtres pour l'action ou la passion, voilà ce qu'il cherche, et ce qu'il se tourmente à découvrir." Théétète, Platon

Voilà un homme, respectable et vieux certainement puisqu'il est savant, qui chute dans ce qui est peut-être une fosse à purin, qui en ressort courbaturé sans doute et ... la petite servante s'en esclaffe et le moque; sous un angle, "il n'y a (vraiment) pas quoi de quoi rire" ... et pourtant: n'est-il pas amusant que le sérieux et la dignité soient parfois pris en flagrante posture d'impuissance et de ridicule? 

« Qu’est-ce qui n’est pas désespérant pour un regard lucide ? Et qu’est-ce qui n’est pas futile pour un regard désespéré ? Cela n’interdit pas d’en rire, et même c’est le mieux sans doute que nous puissions faire." (A. Comte Sponville) "Politesse du désespoir" selon l'adage populaire, l'humour est « un tragique qui refuse de se prendre au sérieux » par égard pour les autres et pour faire scintiller une liberté d'esprit invincible. Quand on ne peut (plus) rien, on peut encore se décaler, intérieurement fausser compagnie aux conformismes et aux puissances ...

      

 

Des histoires pour rire ? 

Au Népal, il y a une quinzaine d'années, notre ami Renaud, de Saïga, s'est trouvé "pris" dans un rire pour lui très singulier: une personne lui faisait, en riant, le récit de la mort d'un villageois attaqué par un tigre. Les attaques de tigre étant relativement fréquentes dans ces contrées, était-ce l'échec de l'homme à y échapper qui provoquait une raillerie, un dédain? Était-ce parce que, de la fatalité accomplie, on ne peut que rire pour ne pas pleurer de l'existence et de notre faiblesse humaine? Était-ce pour marquer une gêne ou un embarras par rapport à son propre univers? Renaud ne savait comment interpréter ce rire qui lui semblai déplacé et le mettait bien mal à l'aise ... 

Cette histoire est particulièrement dramatique mais, lorsque nous voyageons, nous sommes susceptibles d'être exposés à des rires dont nous ne comprenons pas la raison, des humours qui créent de l'embarras au lieu du plaisir escompté. L'inverse est vrai aussi: nos hôtes ne saisissent pas toujours le sens de nos mots d'esprits, de nos plaisanteries. Car, si l'homme rit dans tous les pays du monde (ou presque), "les sources du comique diffèrent d'un lieu et d'un temps à un autre". Parce qu'il est un effet de sens et non seulement une émanation biologique, le rire s'inscrit dans le lien social, s'appuie sur la connivence communautaire, éclate dans la confiance de partager un monde commun. Dans son jaillissement, il est éminemment culturel dans ses causes et ses manières ...  

En miroir, l'histoire de la monture volée: "On avait volé un âne à un bédouin. "On t'a volé ton âne? lui demanda-t-on avec commisération. - Oui. Grâce à Dieu! - Pourquoi loues-tu Dieu? - Pour ne pas m'être trouvé dessus!" ... Alors qu'"un Juif se plaint à la police qu'un Cosaque lui a volé son cheval. "Je ne l'ai pas volé, je l'ai trouvé", rétorque ce dernier. "- Mais j'étais dessus!" s'offusque le Juif. - "Le Juif ne m'intéressait pas", précise alors le Cosaque.

L'humour du peuple juif est d'une singularité entière car il s'enracine dans les malheurs d'une Histoire millénaire et se caractérise souvent par une immense auto-dérision; risqué, il se trace au bord du gouffre, suscitant parfois, outre un certain vertige, la stupéfaction. "Un Juif rencontre un de ses amis qui lit Der Stümer, un journal violemment antisémite: "- Tu n'as pas honte de lire ce torchon?" lui dit-il? L'autre sourit: "quand je lis un journal juif je ne vois que catastrophes, pleurs et désolation. Des persécutions, des exils, alors qu'avec ce dernier, j'apprends que nous dominons le monde, que nous tenons entre nos mais la banque, a finance, la presse. C'est tout de même plus réconfortant.

L'humour révèle parfois le contraste entre des approches différentes de la réalité, le décalage de perception. Dans l'historiette chinoise qui suit, le bon sens semble prévaloir: "À Pékin, un vénérable érudit, invité par des amis européens dans un cercle sportif, s'étonne de la bataille acharnée que se livent deux joueurs de tennis. "Être obligés de travailler par une telle chaleur! Pauvres gens! - Comment? Mais ce sont des personnes riches ... - Alors, pourquoi ne paient-ils pas des coolies pour taper sur les balles?!".

Dans l'humour, nous pouvons tourner en dérision nos travers multiples et les reliviser afin de mieux les vivre: "Au printemps 2021: un anglais arrive chez le médecin qui lui propose une vaccination contre le Covid; il refus mais lorsque la blouse blanche lui dit que "le gentleman qui vient de sortir est heureux d'avoir été vacciné, il accepte. Un américain suit qui, lui aussi, refuse en premier temps mais cède lorsqu'il apprend que ses voisins l'ont été la veille. L'allemand qui lui succède dans le cabinet s'oppose farouchement à la proposition ... mais lorsque le médecin lui rétorque que "c'est un ordre", il obtempère! Vient le français, craintif, hostile, décidé au "non"; le médecin consulte son registre et lui dit: "vous, vous n'y avez de toute façon pas droit!"; la protestation fuse immédiatement et ... il ressort vacciné à son tour!"

enfant rire rires enfants enfant mongolie eclat de rire

 

Le rire victime de son succès ?

Depuis 1998 existe la Journée mondiale du rire, sur l'initiative du Docteur Madan Kataria, l'inventeur du Yoga du rire ... Patente obtenue, voilà notre rire institutionnalisé, et mieux que cela: reconnu d'intérêt social et, bien sûr, constituant un bon investissement, une valeur sûre pour entretenir la santé et développer le bien-être individuel. Il semblerait exister environ 2500 clubs de rire dans le monde. Le rêve du Dr Kataria est d'arriver à la Paix mondiale grâce au rire. Autrefois, c'est la justice qui nous semblait l'horizon désirable pour l'harmonie des peuples et des hommes.

Très sérieusement: " Rire pendant 15 minutes en continu entraine une élévation de la bonne humeur et renforce la vitalité. La science a montré que nous secrétons alors les fameuses hormones du bonheur. Impossible de se déplacer, pas le temps de rejoindre un club de yoga du rire? Aucun problème, nous rendons accessible une session de rire, de chez vous ou sur votre téléphone portable.

Mais n'est-ce pas affadir le rire que d'ainsi lui faire tant d'honneur? N'est-ce pas le rendre cruellement inoffensif que d'ainsi le sacraliser? N'est-ce pas pervertir son sens et le déprécier que d'en faire un bien de consommation?

Résolument hygiénique, l'humour contemporain est aussi devenu un bien de l'industrie culturelle. Bergson expliquait que nous rions lorsque le mouvement de la vie se figeait, se réifiait. Or, trop souvent aujourd'hui, l'humour échoue dans le divertissement et circule comme une marchandise qui, loin de nous élever dans l'esprit critique et la lucidité, loin de nous émanciper avec ce que cela suppose de risques, nous amuse et nous réassure en nous rangeant "du bon côté". Nous vivons actuellement une espèce d'"intégrisme de la rigolade" qui nous habitue à un rire frelaté, à un rire sur commande qui désormais ne transporte ni transgression ni joie ni conscience mais lassitude dépressive et illusion de triomphe. À l'écoute des faiseurs de rire adoubés (ou affectant de ne l'être pas) nous feignons de rire sans même nous apercevoir de la supercherie.

Alors que le rire exhale traditionnellement la liberté reconquise sur les peurs et l'accablement, qu'il sape l'autorité et palpite d'être corrosif, il tend à devenir domestiqué sur nos écrans et nos réseaux; "mdr" - mort de rire ... pour tout, pour rien ... Le rire s'est dégradé en ambiance annulant la distance critique et la nécessité de réfléchir, promouvant "l'enthousiasme obligatoire" et l'adhésion au "cool". Formaté jusque dans ses écarts, commercialisé à outrance, massifié il est presque lentement liquidé dans le temps même de son apologisation car il ne fuse plus que rarement - telle une déflagration bouleversant nos certitudes et nos identités. 

Denrée maîtresse de notre société de consommation, le rire est peut-être démocratique mais n'a plus forcément la robustesse du rire populaire. Il partage les mouvements du temps, se trouvant soumis aux enjeux de la censure et aux considérations des bien-pensants de l'heure. En cela il tend à s'éloigner d'une forme d'intimité qui habite l'humour ... le sourire. "Mdr" ... circulation intense de trois lettres qui font de moins en moins sourire ... 

 

illustration rire             illustration rire

 

Vers le sourire...

« Plus l’esprit se fait joyeux et sûr, plus l’homme perd l’habitude du rire sonore ; en revanche, il lui naît sans discontinuer un sourire spirituel, signe de l’émerveillement qu’il trouve aux innombrables charmes cachés de cette bonne existence. » Nietzche, Le voyageur et son ombre.

Si le rire est souvent, dans sa fulgurance, une forme d'irrévérence qui défie la gravité de l'existence et les convenances qui nous encadrent et parfois nous paralysent, si le rire ciment la convivialité en un éclat, le sourire est toujours une résistance personnelle, secrète ou avouée qui se garde au creux de l'être. Le rire donne la part belle au corps, le sourire donne la part belle au visage. Il y a dans le rire un relâchement qui fait être le corps, tout entier parfois, dans  l'émotion: on se gondole, on hoquette, on crève de rire, on pisse de rire, on se tord de rire, on en a mal au ventre, on étouffe de rire, on se tient les côtes, on se décroche la machoire, on rit aux larmes, on est secoué avec la rate qui se dilate, etc. Le rire mobilise, jusqu'au grotesque quelquefois, un corps engagé dans l'évènement. 

Le sourire se tient au visage qu'il éclarcit et présente en maîtrise de soi. Cette maîtrise n'est pas dans la préemption d'une domination grossière sur un sujet étranger à soi - situation, être ou chose - mais dans la jouissance intérieure de la vie qui s'éprouve en abondance de nuances et en ouverture. Si le rire fomente le lien avec ceux qui le peuvent partager, le sourire ouvre sa possibilité à tous car il est accueil. Dans cette intimité réflétée sur son visage, l'individu a quitté une forme de présence narcissique et s'avère dans le détachement. Certes, il y a dans certains sourires, le tremblé de la réserve et de la pudeur, mais on y peut lire plus souvent la bienveillance qui laisse place à l'autre en sa parole et en son inquiétude. un bruissement de l'âme dans les yeux et sur les lèvres.

 

femme cambodge  femme afrique    femme chine

N'est-ce pas cela qui se cache dans le sourire énigmatique des dieux d'Angkor? Sur les visages de pierre, nous ne voyons pas le rire en sa splendeur subversive mais la sérennité mystérieuse qui paraît méditer l'éternité. Dans le rire se reflète notre humanité avec toute sa faiblesse inquiète et idéaliste, humanité insatisfaite mais forte, humanité toujours d'avance brisée mais triomphante par l'espérance. Dans le sourire que nous donnons au divinités d'Angkor, s'élève comme de l'harmonie insondable ...

Bayon cambodge
Au Cambodge, sourires de pierre du Bayon © Keat Tunier

 

Amis voyageurs... De bons moments de rire et de beaux sourires nous sont en promesse dans le monde, dans l'à-venir. Bientôt, nous les savourerons pleinement en n'oubliant pas de rire aussi de toutes les petites aventures incommodantes qui parfois débarquent en solitaire ou en foule (c'est bien « foule » dès qu'il y en a deux ou davantage, non ?) dans notre parcours...

Ne peut-on rire de tout lorsqu'on a de l'esprit ?

Petite video de Pierre Desproges, lorsqu'il se moquait de la SNCF

jeunes filles Wakhis
En Afghanistan, jeunes filles Wakhis © Éric Bonnem