08 novembre 2018 - Éthiopie, Peuples et fêtes, Afrique

Que serait un monde sans musique ? Cette musique qui sourd de la terre et des vents, cette musique qui jaillit des mains vives et des lèvres de l’homme. Que serait le monde si nos cœurs et nos corps ne recueillaient son chant et le tremblement des instruments, leurs mélodies et rythmes ?
Si nos voyages conduisent à contempler les paysages variés que prodigue la terre généreuse, à découvrir les traditions et les coutumes de l’homme en leur immense diversité, à nous immerger dans la rencontre des autres et l’émerveillement des vies naturelles, nous allons aussi, sur nos pistes, loin des bruits épuisant qui souvent malmènent notre sensibilité, écouter les voix délaissées de la nature, entendre les chants surprenants des peuples, renouveler et approfondir nos émotions en accueillant les musiques qui s’offrent, sacrées, populaires, traditionnelles, festives, de révolte ou mélancoliques. Jordi Savall dit : « Chaque musique reflète le caractère d’un peuple ». Écouter sa musique, c’est partager avec lui ses aspirations à la grandeur, à la beauté et à la paix.
L’Éthiopie est composée de plusieurs natures et de nombreux peuples. Pour mieux les approcher, les comprendre, nous souhaitons fouler avec vous quelques uns de leurs chemins musicaux.

 

 

« Écoute … »

« Écoute … »,  dans les eucalyptus du Tigray le chant du vent n’est pas celui qu’il murmure au Sud, dans la plaine des acacias.
« Écoute … », le ruisseau chantonne sur les mousses du Simien et les eaux du Nil bleu giclent en chutes lumineuses.
« Écoute … », cœur battant des ténèbres d’Abyssinie, les nagarits martelés envoûtent de leurs rythmes les hauts-plateaux tandis que, très loin, menue et tenace, une flûte invisible abandonne, mélodieuse, dans la nuit du Haraz les dernières notes de l’espoir.

MUSIQUE : Flûtes Morou par les Bergers-Guerriers de la vallée de l'Omo

 

 

 

La musique éthiopienne est immensément diversifiée car les peuples sont foisons et la vie des hauts-plateaux, des montagnes ou des savanes est riche historiquement, profuse de traditions et d’évènements. Aussi, on y retrouve la palette abondante et nuancée de ce qui marque le devenir d’un peuple et l’existence de l’homme : l’exaltation du patriotisme et mémoire des guerres avec leurs victoires et la gloire des chefs militaires et seigneurs ; la ferveur religieuse chrétienne qui enveloppe l’Abyssinie depuis le IVème siècle et qui s’exhale, mêlée aux fumées des encens, en musique sacrée dans les processions festives ou dans les grès roses de Lalibela ; les implorations de guérisons et les remerciements impétueux se développent en litanies et chants du Baahro à Sheick Hussein où se mélangent la sobre griserie des Garibas (sorte de derviches) aux accents soufis et la puissance des tambours ; les prières pour les pluies sur les terres à labourer ou à pâturer se déploient en danses et chants incantatoires qui résonnent dans les campagnes du Nord et les brousses du Sud; la vaillance pour protéger leurs troupeaux des animaux sauvages ou pour méditer dans leur solitude se signale par la flûte sorcière (le wasant) ou la tazata (chant) des bergers dans les forêts du Gojjam ; et puis,  brûlantes, poétiques, rêveuses et ardentes, les mélodies d’amour …
Pour découvrir ces musiques voyagez De l’Abyssinie à la Vallée de l’Omo

MUSIQUE : Yene Neh Woy extrait de Chants d'amour

 

    

 

Les instruments traditionnels ethiopiens

Les musiques et mélodies sont interprétées à l'aide de divers instruments traditionnels que nous découvrons, au cours de nos voyages, dans les enceintes sacrées, dans les maisons et les bars, sur les pistes.
Majestueuse plus que tout autre, la lyre à 10 cordes, le Bagana rappelle le lien intime qui unit l’Éthiopie aux terres de Salomon. Les Ahmara d’Abyssinie considèrent que ses sons rapprochent de Dieu, favorisent, longs et intenses, la prière et la méditation sur la vanité de la vie ; son timbre profond et le chant qui l’accompagne exorcisent aussi la crainte de la mort. Durant les nombreuses périodes de jeûne (environ 180 jours par an), sa musique est souvent l’échelle par laquelle l’âme s’élève.


Écoutez cette musique divine jouée par le maître Alemu Aga :

Le tom-tom, est une variété de tambours éthiopiens  utilisé dans le sud-ouest du pays, dans la région de Gambella. Son battement, sur des rythmes rapides, envahit les corps et les nuits, hypnotise et provoque les danses dans les campagnes.

Alors que le washint, flûte à quatre trous de jeu, faite en bois ou en canne à sucre s’entend dans les houteurs. La technique musicale repose sur le mélisme qui permet broderies et ornements improvisés et, la musique qui en émane incite traditionnellement à la transe.

 Entrez dans la mélodie

 

 

   

 

Mais la voix est aussi un des beaux instruments pratiqués dans la musique populaire des éthiopiens. Ainsi les Ari, peuple omotique du sud-ouest (région de Jinka), agriculteurs-sédentaires de tradition animiste, ont développé d'incroyables polyphonies vocales et instrumentales, une expression musicale riche et variée. Les immenses espaces naturels ont été favorables à l'élaboration d'un langage sifflé à base de trompes, de cornes ou de sifflements devenus des jeux polyphoniques qui se sont métamorphosés en de véritables chants complexes.  Lors des grandes cérémonies de la vie et du calendrier rituel, la musique omniprésente affermit la cohésion de cette société́ très organisée et hiérarchisée ; chacun joue un rôle précis lors des performances polyphoniques mais il est toléré aussi une certaine souplesse dans l'exécution par le biais de multiples variations et m’entrée imprévisible de voix libres qui permettent l'expression et l'affirmation des individualités. Flûtes, grelots, claps, lyre, soutiennent les chants des voix savamment enlacées.


Écoutons ce bel ensemble polyphonique

 

Pour découvrir dans votre voyage ces musiques évoquées, partez sur les itinéraires d’Abyssinie (L’Abyssinie confidentielle : Lalibela et Tigray – départ le 16 février), ceux du Sud (Trek chez les Surma – départ le 22 décembre, D’un bord à l’autre de l’Omo)

 

Azmari, le ménestrel éthiopien

Et sur les chemins d’Abyssinie, se croise parfois un azmari, le ménestrel, le troubadour des hauts-plateaux. Il sillonne le beau pays avec son masenqo, une vièle monocorde qui se joue avec un archet et dont il s’accompagne pour chanter. L’instrument réglé par le biais d’une grande cheville exige une rare virtuosité. Les azmari racontent que Dieu donna le masinqo à Ezra, comme il donna la bagana  à Dawit afin que Marie, la mère du Christ, passe de vie à trépas sans souffrance : lorsque Dieu décida de la mort de Marie, il réunit Ezra et Dawit à ses côtés tels les archanges et ceux-ci jouèrent de concert une musique si douce que Marie mourut sans en avoir conscience. Si ce poète et musicien professionnel, avant tout « serviteur de Dieu », possède, outre un répertoire sacré, la mémoire de chansons anciennes et populaires, il se distingue particulièrement par son art de l’improvisation. Il organise ses couplets à loisir et les remodelant  selon les circonstances qui le requièrent (mariage,ou deuil, fête, …). Et, dans chaque situation, il fait fuser la moquerie adéquate, le détail risible, la facétie qui fera réagir son public. Dépositaire d’un instrument divin, il est libre de circuler où il veut, chez les riches comme chez les pauvres, sur les marchés et dans les églises ; il est surtout libre dans sa parole. Ces maîtres du chante et de la parole sont remarquables dans la pratique du double sens – le Sem-enna-werq (la cire et l’or). Le cryptage d'un message est un art ancien qu’il pratique à merveille et qui consiste à créer une phrase entrelaçant deux sens : dans la "cire" apparente est caché, "l'or".

Parfois, son épouse chante l’amour tandis qu’il joue le masenqo.

MUSIQUE : Simih Man Yibabal extrait de Chants d'amour
 



Et lorsque viendra le temps des grandes fêtes orthodoxes, lorsque se profilera Timkat et ses festivités, il sera beau et bon d’aller les entendre dans les campagnes du Tigray, mêlés aux processions, et dans les Buna Bet des bourgades d’Abyssinie, en participant à l’un ou l’autre de ces voyages : Somptueuse Abyssinie Spécial fête du Timakat au départ du 15 janvier ou Harar, Danakil et Timkat au Tigray au départ du 6 janvier

 

Laissons nous emporter à la fin de ce bref parcours dans les musiques éthiopiennes par les accents puissants de Tewodros Yosef