16 septembre 2014 - Sahara & Moyen-Orient

Le Sahara imaginaire, chronique d’un changement de regard

Le Sahara demeure l’illustration de ce que disait Victor Segalen du voyage en tant que rencontre entre l’imaginaire et le réel. Pour l’Europe en général et la France en particulier, cet imaginaire commence avec des peintures de la Renaissance montrant des dromadaires accompagnant les rois mages. Cet univers mystérieux et lointain est ensuite illustré par les textes de voyageurs arabes mais c’est surtout au XIXe siècle que se diffusent de nouvelles images au gré d’un Orientalisme à la mode et du succès des récits d’explorateurs tel René Caillé décrivant son voyage à Tombouctou. Le contrôle colonial du grand désert après la conquête de l’Algérie et celle du Soudan marque le sommet de cette production qui exalte le romantisme des compagnies méharistes, la foi du Père de Foucauld, les légionnaires qui sentent bon le sable chaud, les autochenilles Citroën de la « croisière noire » et le  Transsaharien en projet pendant près d’un siècle. Un imaginaire qui fait aussi une place de choix au guerrier Touareg devenu figurant de l’empire français.


A la veille de la seconde guerre mondiale, le Sahara est ainsi une destination touristique avant qu’il ne devienne un trésor d’hydrocarbures  et un site d’expériences nucléaires. Au temps des indépendances, partagé entre une dizaine de nations, il demeure un but de voyages de loisir, un terrain de jeu pour véhicules à moteur (le Paris-Dakar), un lieu de tournage pour films de grand horizon. Images parfois supplantées par celles, tragiques, des famines sahéliennes mais la persistance rétinienne demeure avec un soleil couchant sur le Hoggar, des fresques préhistoriques, ses « hommes bleus » préparant le thé et les dromadaires de caravanes immémoriales. Les reportages en abusent et les publicitaires s’en emparent.


Tout change à la fin du XXe siècle et peu à peu, le Sahara devient une destination inaccessible ou décommandée. La kalachnikov des preneurs d’otages remplace la taguella partagée au bivouac du soir entre randonneurs venus d’Europe et guides locaux. Un kaléidoscope tragique mêle attentats, affrontements civils, interventions militaires, rebellions armées. Mais l’Histoire n’étant jamais ni figée ni écrite d’avance, il est permis d’espérer à un retour normal de l’usage de 4X4, celui des transporter des humains, leurs biens et leurs marchandises plutôt que de servir de support à des mitrailleuses lourdes…