« La pierre a son souffle, / l’arbre a sa mémoire, / la rivière parle à qui sait écouter. / Tout ce qui vit est parent, / et l’homme n’est qu’un frère parmi d’autres. » Chant bambara
Terres renommées pour leurs vastes étendues peuplées d'animaux sauvages, leurs Big Five et leurs gorilles, terres comprenant les trois plus hauts sommets d'Afrique, le Kilimandjaro (5895 m), le mont Kenya (5199 m) et le mont Stanley (5109 m), l'Afrique de l’Est, entre Kenya et Éthiopie, Tanzanie et Ouganda, est aussi une terre de rencontres. Une étonnante mosaïque de peuples s'y est installée au fil des siècles : Hamar, Surma, Massaï, Chaga, Samburu, Rendille, Turkana, Hadzabe, Ik, Baganda... Ils ont adapté leurs existences à une nature souvent très âpre. Une nature âpre mais vivante, animée d'esprits invisibles avec lesquels les ethnies s'entretiennent et composent au travers de cérémonies rituelles, d'offrandes, de danses et de chants, au travers aussi de symboles, vestimentaires comme de coiffures, qui les singularisent. Originaires, en majorité, de quatre familles principales (Bantou, Couchitique, Nilotique, chasseurs-cueilleurs), leurs ressemblances apparentes n'annulent pas pour autant leurs différences et c'est ce qui fait l'intérêt des échanges dans nos voyages.
Nous vous invitons à ces rencontres et à découvrir et comprendre, au travers de l'unité profonde qui les rassemble, forgée par l’histoire, les échanges et la nécessité de s'allier la nature, la diversité de ces peuples qui se décèle dans les langues, les costumes et les rituels.
Préparation d'un feu chez les Maasaï ©Bernard Boisseau
Rencontres dans le nord du Kenya et le Sud éthiopien
Au nord du Kenya, dans des plaines arides et des plateaux pierreux, se côtoie une douzaine de peuples dont les modes de vie reflètent la diversité des milieux. Les Samburu, pasteurs nilotiques apparentés aux Maasaï, mènent leurs troupeaux de bovins et de chèvres dans les savanes du centre-nord ; fiers de leurs parures et de leurs cérémonies d’initiation, ils perpétuent un mode de vie semi-nomade où le troupeau constitue la richesse et le cœur de l’identité. Tandis que plus à l'est et dans le désert de Chalbi, les Gabbra et les Rendille, d'origine couchitique, manifestent un attachement ancestral à leurs troupeaux de chameaux, indispensables pour survivre dans ces zones très arides ; leur survie dépend d’une stricte organisation des parcours et du partage de l’eau. L’entrée des garçons dans une nouvelle classe d’âge se fait lors du Sorio : circoncision, retraite pastorale et transmission des savoirs liés au chameau qui marquent leur passage à la responsabilité adulte alors que chez leurs voisins samburu, l’Eunoto transforme les jeunes guerriers (morans) en hommes mûrs – un rasage rituel des cheveux, des danses collectives et des bénédictions autour du bétail consacrent cette étape décisive.
Les Turkana, installés autour du grand lac qui porte leur nom, incarnent la figure du pasteur-guerrier ; dans un milieu extrême, marqué par la sécheresse et les vents brûlants, ils se déplacent sans cesse avec leurs troupeaux, et survivent grâce à des stratégies expérimentées sur le long terme, bénéficiant de puits collectifs, d'alliances scellées par des dots de bétail, ... Sur les rives orientales du lac Turkana subsistent aussi les El Molo, qui furent longtemps l’unique communauté de pêcheurs dans une région dominée par le pastoralisme. Leur vie, tournée vers le lac, contraste avec celle des pasteurs du désert : la barque et le filet y remplacent la lance et le troupeau.
Pour rencontrer ces peuples, vous pouvez vous engager sur les pistes de notre voyage Trek, rencontres et nature avec les peuples originaires du Rift oriental.
Et pour participer au grand rassemblement de toutes les ethnies de la région, participez au Festival culturel du lac Turkana.
Méditation dans la tribu El Molo ©Annie Balande
Rencontre avec une femme karo avec son enfant à Korcho ©Patrick Badzinski
Jeune fille du Turkana ©Catherine Teton
Mais les territoires des peuples animistes ne s’arrêtent pas aux lignes tracées sur les cartes et on retrouve, en Éthiopie voisine, sur les berges que baigne le fleuve Omo, dans les méandres de son delta, les mêmes ethnies ou de semblables liées par la langue et la culture, comme les Dassanetch ou les Borana, pasteurs oromo qui partagent avec les Gabbra et les Rendille l’élevage du chameau et l’héritage d’un dieu du ciel, Waaq. Pour prolonger la découverte de ces ethnies et rencontrer sur leurs marchés et sur leurs pistes les Hamar, les Karo, les Arbore : Du Rift à la vallée de l'Omo.
Plus à l'ouest, sur l'autre berge de l'Omo, vit le peuple surma, guerriers impressionnants et dont les femmes sont, avec les Mursi, les dernières du monde à s’orner de plateaux labiaux. Nous y randonnons, d’un village à l’autre, dans une brousse magnifique, en nous sensibilisant à leur quotidien. : Trek chez les Surma ou encore, pour une vaste vision de ces contrées mystérieuses et surprenantes : La vie et la nature des peuples de l'Omo et du Rift.
Enfant suri au sein en Éthiopie ©Stephan Gladieu
Les chasseurs-cueilleurs et bergers de Tanzanie
En descendant vers les rives ombragées du lac Eyasi, le sol se fait sableux, la végétation plus sèche, et nous entrons dans le monde des Hadzabê, derniers chasseurs-cueilleurs d’Afrique de l’Est, dont les cabanes rondes se fondent dans les fourrés. Passer du temps avec eux, c'est apprendre à tailler un arc, fumer un rayon de miel, à suivre les traces d’une antilope. Et le soir, autour du feu, leurs récits disent que la forêt parle et que chaque arbre, chaque oiseau, porte une voix d’esprit, qu’un babouin ou un élan peut être totem et frère, compagnon invisible des hommes. Non loin d'eux, vivent les Datoga, pasteurs tranquilles et forgerons. Leurs vaches au pelage brun-roux paissent dans les vallées, et les hommes martèlent le fer pour fabriquer pointes de flèches et bijoux, dans de petites huttes enfumées. Le bétail est leur richesse et leur fierté, et de nombreux chants invoquent la fertilité des troupeaux que certains oiseaux vénérés surveillent avec vigilance.
Sur les terres rouges de Karatu, s’établissent les Iraqw, dont les champs de sorgho et de maïs s’étendent sur les collines. Selon leurs légendes, une femme, Maasaï, bénie par la lune, donna naissance à l’humanité ; pour ces agriculteurs, le cycle des astres et la régularité des saisons sont essentiels pour la vie. En poursuivant vers le nord-est, le paysage s’ouvre sur une plaine minérale et l’immense étendue saumâtre du lac Natron. Les flamants roses dessinent des nuées mouvantes, tandis que les troupeaux de vaches et de chèvres paissent sous la garde des Maasaï. Pour ces bergers, le dieu Enkai est maître de la pluie et des troupeaux, et la légende dit que le bétail descendit un jour du ciel par une corde – don sacré fait aux hommes. À l'horizon, se dresse la silhouette sombre et majestueuse de l’Ol Doinyo Lengaï, la « montagne de Dieu dont chaque grondement est la voix divine qui rappelle aux hommes leur dépendance.
Tous ces peuples incarnent une manière d’habiter le monde, et nous vous invitons à les rencontrer dans nos périples divers, comme Safaris mythiques de Tanzanie et parfums de Zanzibar, voire de marcher avec eux dans notre voyage Trek aux N'gorongoro Highlands, Ol Doinyo Lengaï et Grande migration.
Chasseur hadzabe en Tanzanie ©Erez Herrnstadt
Mythologies en Ouganda
Dans le sud-ouest de l'Ouganda, en contemplant la chaîne des Virunga, on entend les anciens conter les légendes qui enveloppent les 3 volcans sacrés – Muhavura, Gahinga, Sabinyo. Ainsi le Bafumbira dit : « Voyez Muhavura, le grand guide. Sa cime blanche nous montre toujours le chemin. C’est la montagne qui protège nos troupeaux et nous oriente dans la brume des vallées. » Et le Bakiga répond : « Mais regardez Gahinga, le petit trapu. Jadis, c’était un géant qui ramassait des pierres pour bâtir sa maison. Il en fit un tas immense, mais, dérangé par les esprits de Sabinyo, il abandonna son œuvre. » Alors le Batwa parle à son tour : « Et Sabinyo, vous le voyez ? Ses trois dents ne sont pas des roches, mais les mâchoires d’un vieil homme. C’est la bouche des ancêtres, assis là-haut pour juger nos pas. Quand la brume s’épaissit, c’est leur souffle. Quand la pluie tombe, ce sont leurs larmes. » Repères identitaires ou protecteurs, œuvre de géants ou demeures spirituelles, les volcans sont des êtres vivants pour ces peuples à qui la nature ne cesse toujours de murmurer mémoires et secrets.
Femme batwa tressant un panier en Ouganda ©Andrew Aitchison
Avant la création du parc national de Mgahinga Gorilla (1991), comme aussi celui de Bwindi, les pygmées batwa étaient les habitants originels de ces denses forêts ; chasseurs-cueilleurs, ils vivaient dans les grottes et les sous-bois, connaissant chaque arbre, chaque plante médicinale, chaque sentier des gorilles. Déplacés pour favoriser la sauvegarde de ces derniers, ils en restent les « gardiens de mémoire », car la forêt est pour eux une maison, une nourricière, une pharmacie, un temple. Et ils considèrent les gorilles comme des « frères de la forêt », capables de comprendre la langue des hommes, mais ayant choisi le silence.
Et leurs voisins agriculteurs, Bakiga et Banyankole racontent : « Il y a longtemps, très longtemps, les hommes et les gorilles vivaient ensemble dans le même village. Ils partageaient les champs, les sources et les feux du soir. Mais certains hommes étaient différents : ils n’aimaient pas le bruit des fêtes, ni les palabres trop longues. Ils préféraient le silence des arbres et la force tranquille de la forêt. Ils étaient bons chasseurs, bons grimpeurs, mais trop farouches pour rester parmi leurs frères.
Alors le Créateur, voyant leur cœur hésiter entre le village et la brousse, leur dit : Vous serez les gardiens de la grande forêt. Vous garderez ma sagesse dans le silence, et vos bras puissants seront comme les branches qui protègent vos enfants.
C’est ainsi que ces hommes quittèrent les huttes et devinrent gorilles. Depuis ce jour, le dos argenté veille comme un père sur son clan, les mères serrent leurs petits contre elles comme dans les maisons humaines, et, quand on les regarde longtemps, on retrouve dans leurs yeux la mémoire d’un frère oublié. »
Vous pouvez découvrir cet univers où les gorilles sont frères des hommes en vous engageant dans notre émouvante et magnifique expédition Découverte des volcans Virunga, gorilles de montagne et grande faune.
Gorilles de montagne en Ouganda ©Eric Bonnem
Conclusion
Les déserts, les savanes et les forêts que nous traversons pour retrouver, dans les paysages et les animaux sauvages, la beauté, l’immensité et la force de la nature sont habitées depuis toujours par des peuples qui ont su conclure avec elle un pacte singulier. Les Hadzabe, les Batwa, les Samburu, les Rendille, les Turkana, les Chagga, les Maasaï, les Konso, les Mursi et tant d’autres ont inscrit leur vie dans le rythme de la pluie, du troupeau, de la forêt ou de la pierre. Leur animisme fondateur confère à ces terres une dimension sacrée où tous les éléments deviennent des êtres de relation. Ainsi, l'homme vulnérable a su non seulement s’adapter à ce que la nature offre ou refuse, mais en a fait une présence vivante et une alliée. « Car rien n’est muet, ni l’oiseau, ni l’arbre, ni la flamme, et celui qui écoute entendra : la terre respire, et nous en sommes le souffle. »
Lac Turkana au Kenya ©Martin Harvey